Lyon Poche : Est-il encore viable de faire vivre un festival généraliste de manière associative, sans l’appui d’un grand groupe ?
Maxime Noly : Ça devient de plus en plus dur. Je suis inquiet pour les années à venir. On voit plusieurs tendances se dessiner : la spécialisation du public, qui a moins envie d’aller découvrir et participer à des festivals multi-scènes, multi-esthétiques ; ils vont plutôt désormais sur des festivals 100 % électronique ou 100 % rap, 100 % métal. Notre approche de soirée un peu cocktail, qui mélange plusieurs choses, marche moins bien, malgré les têtes d’affiche que l’on peut empiler. Et nous ne sommes pas les seuls dans ce cas. L’autre sujet, c’est le modèle économique, mis à mal depuis un certain nombre d’années avec la crise Covid et toutes ses suites que l’on connaît bien : l’aboutissement, ce sont des festivals qui arrêtent.
Woodstower a frôlé la fin l’année dernière, on est désormais dans une procédure de sauvegarde qui nous permet de sortir la tête de l’eau. Je crains, d’après les échos que l’on a, que d’autres ne s’arrêtent cette année. C’est extrêmement inquiétant pour la culture indépendante et associative du territoire. Nous avons choisi de diversifier nos activités. Nous produisons des concerts à Vienne et au Transbordeur. Nous proposons des prestations pour d’autres structures et collectivités, qui nous permettent d’éviter une trop grande dépendance au modèle festival. La concurrence des grands groupes a deux effets : d’une part, une multiplication des événements à toutes les échelles. Presque chaque commune a son festival aujourd’hui ! Cette hyper-proximité fait que le public ne va pas forcément se déplacer. Ensuite, ces grands groupes arrivent à Lyon-même qui, jusqu’ici, avait été assez protégée…
Comment voyez-vous la concurrence à Lyon ?
On avait cette chance de bénéficier de l’exception lyonnaise. Est-ce que c’était une véritable volonté politique, une protection forte des élus à cette époque, qui se serait étiolée aujourd’hui, pour différentes raisons économiques ou de conviction politique ? Je ne sais pas. Ce qui est sûr, c’est qu’il y avait des piliers établis : Nuits de Fourvière, Nuits sonores, Reperkusound, Woodstower. Chacun vivait bien et avait sa place. La première grosse incartade, ça a été l’arrivée de Olympia Production avec InVersion Fest en 2022 au stade de Gerland : on avait tiré la sonnette d’alarme. InVersion a été un fiasco et n’a pas été reconduit. Pour autant, on voit que de plus en plus de grands groupes arrivent. La cartographie du Syndicat des Musiques Actuelles sur la concentration dans notre secteur montre bien qui est aux manettes. Au grand parc sont arrivés Brunch Electronik et Hypnotize, sur des esthétiques différentes : personne ne va être à l’abri dans les années qui viennent.
Pour le public, ce n’est pas très lisible. La cartographie est importante pour expliquer qui sont les acteurs derrière ces événements, quels sont les moyens mis et les objectifs poursuivis. Sur la métropole de Lyon, il y a en plus une problématique de lieux : on l’a vu avec Reperkusound. Notre déménagement n’a pas été simple. On a dû convaincre : un festival payant tel qu’on le propose, ça n’a jamais existé à cet endroit.
Quand on a une politique culturelle forte, on essaye de se différencier. Ce n’est plus le cas ?
Il y avait cette volonté de rayonnement chez Gérard Collomb. Pour autant, à l’époque, Woodstower n’était pas du tout dans le spectre des événements soutenus. Peut-être que cette approche nous est plus favorable aujourd’hui, puisque la Ville a vraiment fait le choix politique d’accueillir Woodstower intra-muros. Sans accompagnement financier supplémentaire, mais vu la tension sur les lieux, c’est quand-même un signal fort. Est-ce une volonté politique qui va se développer ? Je ne le sais pas encore, car il y a quand-même eu ces dernières années un mouvement de report des événements en dehors des frontières de la ville de Lyon… Il faudra poser la question aux élus : est-ce que Lyon est aussi une ville de festivals, ou bien tout doit se passer en dehors, dans les autres communes de la métropole ? Je pense que c’est important de montrer que la ville-centre a la capacité d’accueillir des événements.
Propos recueillis par Sébastien Broquet
Infos
Woodstower
Parc de Gerland, Lyon 7.
Du 17 au 20 juillet.
De 48 à 115 €.