Louis Janmot, le poète inspiré

Louis Janmot, le poète inspiré
Autoportrait, 1832

Fervent catholique, Louis Janmot est un peintre et poète lyonnais du XIXe siècle dont l'œuvre principale, le Poème de l’âme, possède une salle permanente au musée des Beaux-Arts de Lyon. Peintre longtemps boudé, le musée d’Orsay lui a consacré une exposition en 2023.

Né à Lyon en 1814 de deux parents profondément catholiques, Louis Janmot est abreuvé d’images mystiques dès l’enfance. C’est également très jeune que l’artiste lyonnais se voit consécutivement confronté au décès de sa sœur et de son frère, une expérience de la mort qui le suivra toute sa vie et qui exercera une influence importante sur l’ensemble de son travail.

Il réalise sa scolarité au Collège Royal, devenu maintenant le collège Ampère, où sa touche picturale s’aiguise pour devenir absolument atypique. Un langage artistique qui le classera dans le mouvement de l’École de Lyon, qui naît en 1810, et dont le style artistique se rapproche des préraphaélites britanniques.

Ces derniers inspirent le jeune Louis par leurs tableaux aux thèmes philosophiques, moraux et religieux. Il complète sa formation par un séjour à Paris auprès de Jean-Auguste-Dominique Ingres. Sa peinture Fleur des champs, un portrait féminin aux inspirations antiques sous un décor du Bugey, attire l’attention de Charles Baudelaire, dont la carrière de critique d’art permet à Louis Janmot d’exposer au Salon de 1846, le grand événement artistique parisien où étaient présentés les derniers lauréats de l’Académie des Beaux-Arts.

L’artiste présente également ses travaux à l’occasion de l’exposition universelle de 1855, mais n’obtenant pas le succès escompté, il revient à Lyon et devient professeur aux Beaux-Arts. Sa vie est marquée par d'importants problèmes financiers et drames familiaux, notamment le décès de sa première femme. Mais Louis continue de défendre avec verve ses convictions religieuses et politiques, faisant du peintre un des acteurs importants du renouveau du catholicisme à Lyon au XIXe siècle.

Sa réalisation la plus célèbre, le Poème de l’âme, est un cycle qui s’inscrit parfaitement dans son temps de par ses nombreuses références aux questions politiques contemporaines. Louis Janmot décède dans sa ville natale en 1864, non sans une certaine indifférence de la part du milieu de l’art de l'époque.

Une œuvre magnétique

Production d’une vie, le Poème de l’âme est une magnifique ode aux convictions personnelles de Louis Janmot. Ce dernier nous plonge dans une grande fable composée de trente-quatre panneaux exécutés entre Rome et Lyon de 1835 à 1881. Création picturale et littéraire, l’ensemble évoque la métamorphose de l’esprit au gré du temps, représentée par un jeune garçon vêtu de rose, que l’on accompagne tout au long de sa vie.

La première série du poème est peinte et se compose de dix-huit tableaux racontant le parcours initiatique d’une âme représentée par un jeune garçon en pleine quête existentielle. On y observe l’évolution de ce dernier, de la naissance à la petite enfance, en passant par l’éducation, les amours naissants et le rêve d’idéal. Les fonds derrière lesquels se pavanent les personnages ne sont pas sans évoquer des décors de théâtre, comme si le peintre avait mis en scène une pièce pour laquelle l’observateur aurait implicitement pris ses billets.

Tableau par tableau se déroulent des scènes au "charme inconnu et difficile à décrire, quelque chose des douceurs de la solitude, de la sacristie, de l’église et du cloître ; une mysticité inconsciente et enfantine", selon les mots de Charles Baudelaire. La seconde série est dessinée au fusain et évoque un récit plus sombre de l’être, celui dans lequel le garçon perd sa dulcinée et noie son chagrin dans l’assouvissement de ses plaisirs et de ses désirs, n’en tirant que plus d’affliction. Ici, on y voit combien la souffrance du deuil a été dévastatrice, soulignant le caractère tragique de l’existence. Le parallèle avec Louis Janmot, qui a perdu sa première femme, relève de l’évidence.

Pour Henri Focillon, c’est bien l’ensemble "le plus remarquable, le plus cohérent et le plus étrange du spiritualisme romantique" qui est dressé devant les spectateurs.

Loin d’être une fable niaise et mièvre comme cela a longtemps été dit, le Poème de l’âme est avant tout une œuvre profondément spirituelle et universelle, dans laquelle chacun peut trouver à la fois un enseignement, une consolation, une beauté, ainsi que la foi.

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