Au musée de l’Imprimerie de Lyon, une réinvention en cours

Au musée de l’Imprimerie de Lyon, une réinvention en cours
Au musée de l’Imprimerie de Lyon, une réinvention en cours - DR

Des travaux d’envergure nécessaires, un parcours permanent revisité, une nouvelle ligne directrice impulsée par son directeur Joseph Belletante : le musée de l’Imprimerie a fermé ses portes, pour mieux s’imaginer un futur. Avec quelques interrogations.

Enfin ! L’exécutif écologiste aux commandes depuis 2020 à la Ville de Lyon a eu le courage de prendre en main le dossier de la vétusté de certains équipements municipaux, et ça restera parmi ses actions les plus notables.

C’était, souvent, urgent. Ainsi du musée de l’Imprimerie et de la Communication graphique, dont le bâtiment comme le parcours muséal étaient aussi impraticables que son patronyme actuel. “Travailler sur nos équipements culturels existants pour les moderniser est un enjeu majeur. Je voudrais signaler l’importance de les faire monter en gamme, comme au TNG ou ici au musée de l’Imprimerie” a souligné Sylvain Godinot, l’adjoint au Patrimoine.

Deux ans de travaux sont prévus, pour une réouverture prévue au printemps 2027. Montant de l’opération : 5,45 millions d’euros.

L’ensemble du bâtiment sera revu par Stéphanie Canellas, architecte de l’Atelier Isshin, alors que cet ancien Hôtel de la Couronne a souvent été retouché, mais jamais avec une telle ambition. L’entrée du public prendra place rue de la Poulaillerie et un ascenseur sera construit dans la cour.

Une problématique internationale


Première bonne nouvelle : à l’issue des travaux, le musée sera rebaptisé d’un nom - encore inconnu - plus aguicheur et moins ampoulé que l’actuel. Seconde bonne nouvelle : tout le parcours permanent sera repensé et fluidifié. Mais c’est aussi sur ce point qu’il faut s’interroger.

Le dernier parcours permanent d’un musée de la Ville à avoir été modifié, c’est celui du musée d’Histoire de Lyon, à Gadagne ; une refonte ayant provoqué pas mal de remous, à raison : on reste encore estomaqué par certains choix. L’ancienne adjointe à la Culture, Nathalie Perrin-Gilbert, l’avait reconnu en conseil municipal et avait convié le comité scientifique de l’exposition à “se réemparer du quatrième parcours (afin d’) apporter une relecture collective pour, peut-être, corriger des éléments manquants ou parfois approximatifs”.

La problématique des refontes de parcours muséaux n’est pas lyonnaise, mais internationale : dans les musées, se joue une bataille idéologique, qui s’est cristallisée en 2019 lors du vote pour une nouvelle définition des musées par l’ICOM, le conseil international des musées.

Une simple proposition de définition de ce qu’est un musée avait déclenché une guerre de tranchées entre tenants d’une ligne historique de ce que sont ces lieux (dont la France) et ceux (les États-Unis et les pays nordiques) qui souhaitaient en faire des “lieux de démocratisation inclusifs et polyphoniques, dédiés au dialogue critique sur les passés et les futurs (...), dépositaires d’artefacts et de spécimens pour la société”, excluant la notion d’œuvre ou d’art.

La question de l’accessibilité


La définition finalement adoptée en 2022 fut plus consensuelle, mais la bataille entre ceux qui pensent que dans un musée prime les collections et ceux qui veulent en faire des endroits où la place du public et des minorités, et le débat sociétal, prédominent, se poursuit. Dans cette logique, Joseph Belletante affirme que le musée ne doit plus "être dominant" et qu’une œuvre originale de Picasso a la même importance qu’une photocopie. Le directeur nous l’explique : “L’intérêt, c’est que tout le monde puisse se sentir participant dans un lieu culturel. C’est vraiment la question de l’accessibilité : jusqu’où on la pense ? Tout le monde doit se sentir vu et regardé, et pas mis à l’écart. Ce n’était pas pour être impertinent que je disais ceci, mais pour dire que c’est ici, dans un musée de l’Imprimerie, que l’on peut penser le multiple et dire que les images se valent. Ailleurs, sans doute pas”.

À Gadagne, à vouloir aller trop loin, le plantage a été magistral. Au musée de l’Imprimerie, Joseph Belletante a fait preuve d’une grande rigueur scientifique.

Sa politique d’expositions temporaires et l’assimilation de la pop culture ont dynamisé la fréquentation et l’intérêt autour de son musée. Les expositions Warhol et Miyazaki, avec des angles finement choisis, ont été des succès indéniables. Celle consacrée à Susan Kare, la créatrice des logos Mac, salvatrice.

Mais déjà pointait un défaut que l’on n’aimerait pas voir trop se répandre dans le futur musée : ce goût pour les scénographies pour le moins iconoclastes, avec des bouts de scotchs et des photocopies en guise d’œuvres. À trop chercher l’accessibilité, on dénature l’expérience : un musée n’est pas une kermesse d’école.

Sébastien Broquet

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