Librairie Diogène en danger à Lyon : un avenir qui ne s’éclaircit pas

Librairie Diogène en danger à Lyon : un avenir qui ne s’éclaircit pas
Librairie Diogène en danger à Lyon : un avenir qui ne s’éclaircit pas - Lyon Poche

Diogène, librairie historique située dans le Vieux-Lyon, est menacée de disparition suite au rachat de l’immeuble l’hébergeant par le promoteur immobilier Maïa. La justice vient de rejeter sa requête d’annulation du permis de construire délivré par la Ville de Lyon.

Ceux qui ont pénétré l’antre et en ont arpenté les rayons disséminés sur trois étages et deux boutiques (la plus petite étant dédiée à la bande dessinée), se perdant dans les piles posées à même le sol, fouillant dans les rayons bien classés où l’Histoire côtoie l’ésotérisme, les livres d’art épuisés voisinent avec la science, en sont ressortis enchantés pour peu qu’ils affectionnent l’objet “livre” si cher à Hermann Hesse et Alberto Manguel.

On connaît des accros qui ne peuvent s’empêcher d’y retourner tous les week-ends et s’étonnent encore de craquer systématiquement sur un nouvel ouvrage, parmi les 80 000 en stock, qu’ils n’avaient pas repéré au passage précédent.

La Librairie Diogène est un bout de patrimoine du Vieux-Lyon, l’une de ces échoppes indispensables à la vie d’un quartier, qui en font l’âme, le sel ou le piquant, comme vous préférez.

Pourtant, Diogène est en danger. Le rachat en 2018 de l’immeuble abritant en son rez-de-chaussée la librairie, par un groupe immobilier qui veut mettre dehors l’impétrant, ou commerçant, c’est selon, en est la cause : pas assez clinquant ni rentable pour le nouveau projet. La vente aux enchères de l’immeuble dans son intégralité, qui appartenait à une dame âgée, n’avait alors pas permis à Diogène de se positionner pour le rachat de ses locaux.

À Paris, il y a une dizaine d’années, semblable mésaventure était arrivée à l’historique librairie Delamain, qui avait été secouée et menacée par la cupidité du fonds qatari Constellation Hotels Holdings. Face à la levée de boucliers des milieux intellectuels et politiques, le propriétaire avait fini par faire machine arrière et prendre en compte “l'activité spécifique de sa locataire comme de l'ancienneté de son occupation des lieux”.

Rien de tout cela à l’heure actuelle en ce qui concerne Diogène, installé là depuis 1973 laissé bien seul face aux tourments du groupe Maïa, même si une pétition lancée par la librairie a engrangé 38 000 signatures au fil des long mois de procédure.

Vers une aseptisation du Vieux-Lyon ?

Diogène vient de perdre une manche dans la bataille judiciaire engagée contre son nouveau propriétaire. La librairie contestait le permis de construire que la Ville de Lyon (qui n’a pas répondu à nos sollicitations) a accordé en décembre 2023 au promoteur immobilier, via sa succursale MI LY7.

Selon le site Actualitté, qui a révélé l’information, la librairie considérait que plusieurs éléments étaient manquants ou incomplets dans le dossier fourni à la mairie. Le tribunal a rejeté fin septembre cette requête sollicitant l’annulation du permis visant à la réhabilitation d’un immeuble de logements. 

Une autre procédure est en cours, depuis 2018 - les deux entités ne communiquent plus que par avocats interposés -, visant à obtenir une indemnisation suite à ce départ forcé qui semble inéluctable. Cet été, le tribunal a sollicité une expertise afin de chiffrer le montant du préjudice subi par la librairie en cas d’éviction de ses locaux historiques.

Un chiffrage compliqué : le modèle économique de Diogène repose sur la disponibilité d’un très grand nombre d’ouvrages sur divers sujets, nécessitant une surface étendue (actuellement, elle est de 250 m2) ; le tout bien entendu dans le Vieux-Lyon, quartier historique de la librairie, ou à proximité, là où les nombreux habitués et parfois les touristes viennent flâner depuis plus de cinquante ans entre ses rayons. 

Après la fin de Bouldingue, autre boutique historique située à quelques mètres, ce serait une énième étape vers l’aseptisation d’un quartier, pourtant classé site historique à l’UNESCO, si Diogène en venait à baisser son rideau de manière définitive.

Sébastien Broquet

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