Le colossal vaisseau de béton et d’acier est inauguré le 14 février 1975 et devient la première salle à destination d’un seul usage musical de cette vigueur à être construit en France. Ornant le 3e arrondissement de Lyon, la salle de concert est indissociable de l’histoire récente du quartier de la Part-Dieu, encore à l’état de friche dans les années 60. Une histoire intimement liée à l’Orchestre de Lyon, dont la légitimité a été l’objet d’une longue bataille.
Dans les années soixante, Lyon étouffe et fait face à un important problème de place. Un terrain vierge, situé en centre-ville, constitue une opportunité unique pour la mairie, et une occasion d’imaginer la métropole du futur. Pour devenir un véritable lieu de vie, le nouveau quartier de la Part-Dieu doit accueillir des habitations, des transports, mais également des lieux culturels. L’aubaine est bienvenue pour l’Orchestre national de Lyon, qui se trouve à l’étroit dans ses anciens locaux de la salle Rameau.
L’auditorium sera construit sous l’impulsion de Robert Proton de la Chapelle, chargé des affaires culturelles sous une partie du mandat de Louis Pradel. Le bâtiment est conçu par l’architecte Henri Pottier et par l’urbaniste Charles Delfante, et fera l’objet d’un chantier de trois ans qui rythmera le nouveau quartier entre 1972 et 1975. Le vaisseau en forme de coquillage donne la part belle au matériau fétiche des années 60, le béton.
Le projet novateur dans les années 70, se révèle vite dépassé, si bien que des travaux de rénovations seront entrepris entre 1992 et 2002. La campagne de modernisation concerne principalement l'acoustique et l’aspect esthétique de la salle ; la moquette qui se situait au sol, a été enlevée, de nouveaux fauteuils ont été installés. Et la notion de confort n’étant pas limitée aux auditeurs, un agrandissement de l’espace scénique a été opéré afin que l’orchestre puisse jouer dans de meilleures conditions.
S’il suscite débat dès sa création, l’ouvrage devient un symbole du style brutaliste, un mouvement architectural apparu dans les années 50, qui puise son inspiration dans les travaux de l’architecte suisse Le Corbusier. C’est donc pour son style architectural innovant que le bâtiment a été labellisé architecture contemporaine remarquable dès 2012.
Un destin lié à celui de l’Orchestre national de Lyon
L'histoire de l’Auditorium est fortement liée à celle de l’Orchestre national de Lyon, dont la formation n’a pas été un long fleuve tranquille. Sa forme antérieure, la Société des grands concerts de Lyon, a été fondée en 1905. Elle est le fruit du compositeur Georges Martin Witkowski, et compte 28 musiciens à ses débuts, sans compter toute la bourgeoisie Lyonnaise qu’elle attire. Un répertoire varié rythme les représentations de la Société mais cela ne suffit plus car Radio Lyon a fondé l’Orchestre Radio-Symphonique de Lyon en 1938.
Un an plus tard, la Société, consciente de l’urgence de la situation, fusionne avec le Trigentuor, et prend le nom d’Association philharmonique. Marcel Landowski, alors nommé directeur de la Musique, décide d’établir un orchestre permanent à Lyon et signe l'acte de naissance de l’Opral, l’Orchestre philharmonique Rhône-Alpes. A cette période, la salle Chabrier se fait trop petite pour les répétitions et la construction de l’Auditorium fait office de bouffée d’air frais pour les musiciens. Mais il faudra attendre 1984 pour voir la nationalisation de l’Orchestre.
Cette modernisation et la nationalisation permettent une véritable amélioration du statut des équipes qui ne possédaient ni sécurité de l’emploi, ni protection sociale sous la Société philharmonique de Lyon, dont les finances étaient modestes. Cette étatisation a permis une certaine sécurité, mais aujourd'hui, Nikolaj Szeps-Znaider a de nouveaux défis à relever. L’actuel directeur musical de l’Orchestre national de Lyon a conscience de vivre dans une époque troublée, et souhaite se servir de l’art comme d’un antidote à la morosité du monde.
Il a également organisé les 50 ans de l'inauguration de l'Auditorium, un événement important pour lui. Pour ces festivités, une exposition est présentée au grand public jusqu’au 21 septembre et se trouve en accès libre une heure avant chaque concert. Les spectateurs pourront découvrir des croquis inédits, des plans de construction, des photos et des vidéos d’archives, ponctués par des témoignages sonores des invités présents en février 1975.
Une manière de redécouvrir un bâtiment emblématique de Lyon.
Constance Henry