En se baladant sur le site de Woodstower cet été, au parc de Gerland nouvellement investi, nul besoin d’être devin : le festival allait se confronter à de nouveaux mois difficiles. Du monde, oui (23 000 personnes), mais pas assez pour compenser les pertes des années précédentes, dans un contexte général compliqué.
Dans ce monde post-Covid, nombre de festivals sont contraints de faire le plein pour dégager de maigres bénéfices.
La météo chafouine le week-end venu n’a pas arrangé les affaires du directeur Maxime Noly. Une partie des animations a dû être annulée. “Si nous avons le temps de nous installer dans ce nouveau format, ce lieu, ça va monter en puissance. Là, nous avons presque fait un nouveau festival ! Il faut que les gens captent. Pour une première, les chiffres sont plutôt bons”, nous dit-il. Mais Woodstower pourrait ne pas en avoir le temps.
La programmation peut être discutée : SCH, la tête d’affiche, était déjà venu en janvier à la LDLC Arena, laquelle cannibalise l’offre de gros concerts et complique la possibilité d’avoir un headliner inédit. Polo & Pan étaient au Transbordeur trois mois plus tôt. L’attractivité de l’affiche n’a pas fonctionné à plein.
Avec moins de moyens et alors que les agences de booking sont souvent dans les mêmes mains que les festivals concurrents, il est plus dur de trouver les bons artistes. “Nous sortons d’une édition que nous n’avons pas vécue comme un échec. Les retours du public sont bons, deux soirées sur les trois ont rempli les objectifs. Celle qui n’est pas remplie, malheureusement, nous met dedans. Plusieurs indicateurs sont positifs, mais insuffisants vu notre situation”, poursuit le directeur.
En redressement judiciaire
Les 200 000 euros de déficit de cette année s’ajoutent au trou précédent, faisant monter l’addition à 800 000 euros - pour un budget de 1,7 million. Woodstower cherche donc un repreneur, en urgence. L’association a été placée en redressement judiciaire par le tribunal le 9 septembre. Le but : sauvegarder les sept emplois permanents.
Le festival, apprécié à Lyon, est confronté à une autre réalité : il y a désormais trop d’événements de ce type et les modes de consommation du public ont changé. Inexorablement, plusieurs vont devoir stopper : les collectivités n’ont plus les moyens de financer ce pan de la culture.
“Nous avons essayé de trouver un accord avec elles pour éviter de passer par l’étape du redressement judiciaire, mais nous n'avons pas été suivi. Nous avons sollicité la Métropole, la Ville de Lyon, la DRAC, le Centre National de la Musique. La Région n’étant plus avec nous (40 000 euros supprimés depuis 2023, ndlr), nous ne les avons pas contactés. Pas de marge budgétaire cette année, nous disent-ils : ce que l’on comprend.”
La Métropole avait abondé au pot l’année précédente, accordant une subvention exceptionnelle de 100 000 euros pour aider à compenser les pertes de 2023 dues aux conditions climatiques difficiles.
"Garder l’ADN"
“Nationalement, nous discutons avec des producteurs d’artistes, de concerts… Des gens qui sont dans notre univers. Le but est de garder l’ADN de Woodstower, poursuit Maxime Noly. Et ce que nous défendons comme piste principale, un collectif d’acteurs locaux, une forme innovante avec des gens qui se complètent : billetterie, média, boisson, des structures du périmètre artistique. On essaye de faire émerger cette solution, complexe car aucun acteur ne serait leader.”
Les dossiers de reprise seront déposés le 3 octobre et le tribunal rendra sa décision le 9 décembre.
Le Progrès et le groupe Rosebud sont des pistes envisagées. “Ce sont des acteurs auxquels nous pensons. Mais est-ce qu’économiquement et stratégiquement ça les intéresse ? Ça aurait du sens”, abonde Maxime Noly, qui confirme au niveau national “échanger avec Matthieu Pigasse et Combat, parce que nous l’avons déjà fait dans le passé. Monsieur Pigasse nous avait contactés il y a plusieurs années pour investir dans Woodstower. Récemment, Combat a investi dans des festivals associatifs et de taille intermédiaire, comme La Route du Rock. C’est un acteur avec des moyens, qui a pour stratégie de faire avec les structures reprises et de ne pas les transformer.”
La dernière fois que Matthieu Pigasse a investi ici, c’était lors de la reprise de Nova Lyon, qu’il a sabordé. Souhaitons un meilleur sort à Woodstower.
Sébastien Broquet