Lyon Poche : La Mouche, c’est un théâtre mais pas seulement…
Elise Ternat : C’est un théâtre et un cinéma d’art et essai, qui touchent quasiment Lyon, puisque nous sommes à Saint-Genis-Laval. Depuis la place Bellecour, c’est moins d’une demi-heure de transport via le métro B, qui s’arrête désormais à Saint-Genis-Laval ; et en prenant le C10, on arrive devant La Mouche. Nous avons une vingtaine de spectacles qui sont présentés sur la saison et une dizaine de projections de cinéma par semaine, à la fois pour le tout public et pour le scolaire. C’est l’identité de La Mouche : un lieu qui se prête bien à l’hybridation, le croisement des disciplines étant dans son ADN.
Ça tombe plutôt bien : c’est en phase avec le projet que je porte, être sur l’indiscipline. Un terme que j’aime bien et qui fait partie des axes que je développe, car la complémentarité est salutaire. Bien souvent, on s’enrichit de tout ce que nous ne sommes pas, de nos différences. En culture, dans le spectacle vivant, en croisant les choses, on obtient un puzzle un peu plus grand, un peu plus beau. Et peut-être, un peu plus intéressant. Croiser les registres artistiques et esthétiques, créer des passerelles depuis le théâtre vers le cinéma, en passant par des expositions : c’est un lieu pluridisciplinaire et intergénérationnel. Sur la saison, on a du théâtre, des concerts (Barbara Carlotti), de la danse et du cirque, de la marionnette. Notre mission est d’être un service public de la culture et d’aller vers le plus grand nombre, dès le plus jeune âge.
Quels sont vos axes artistiques ?
La Mouche a deux particularités : nous nous intéressons au cirque contemporain, Mathilde Favier, ma prédécesseure, avait initié cette dynamique et j’ai souhaité la garder. À ça, vient s’ajouter un projet jeunesse. Cette double particularité est visible avec nos deux artistes associés, les porte-voix de ce projet : Coline Garcia, metteuse en piste et circassienne ; et Antonio Carmona, auteur pour la jeunesse, romancier et metteur en scène. Tous deux s’adressent à la jeunesse et croisent les disciplines. Leur travail consiste à aiguiser l’esprit critique dès le plus jeune âge, ce qui me semble important.
“Faire fête” fait partie de nos axes pour la saison également : la dimension festive est importante. La chose publique aussi : en quoi l’art et le spectacle vivant sont des outils pour s’interroger, aiguiser notre esprit critique et questionner la société ? La culture est une fenêtre sur le monde pour s’enrichir de tout ce que nous ne sommes pas, se saisir de ce qui nous entoure, du bruit du monde.
Quels spectacles à venir représentent l’esprit insufflé à La Mouche ?
Parler Pointu, le mardi 13 janvier. Une proposition de Benjamin Tholozan et Hélène François : c’est l’histoire de Benjamin qui a quitté toutes ses traditions. Il vient du Midi, il accueille le public avec le pastis, avec toute son histoire de là où il a grandi. Et peu à peu, il va expliquer comment il a dû lisser sa langue, défaire son accent du Sud, pour venir à la capitale. C’est un spectacle très joyeux, très drôle. Mais en creux, qui parle de la glottophobie : le racisme envers les accents.
Coup de cœur. Sans faire de bruit, le mardi 3 mars, de Louve Reiniche-Larroche. Pour ce spectacle, elle a reçu le prix du jury au festival Impatience. Son travail sur le son est extrêmement présent tout au long de la pièce. C’est un seul-en-scène, un portrait sur un fond tragique : comment sa mère a été atteinte soudainement de surdité. Elle est seule et endosse les rôles de tous les membres de sa famille, elle fait un travail de playback labial tandis que l’on entend leurs voix. Elle raconte peu à peu cette histoire, c’est joyeux et drôle et non pas larmoyant.
Et aussi ?
Umami, le mercredi 6 mai, par le Collectif A/R. Un spectacle qui mêle cuisine et danse. C’est la première création jeune public de cette compagnie de danse de la région, élaborée avec une “plasticière” - c’est-à-dire le mélange entre pâtissière et plasticienne - pour venir titiller le palais des enfants à partir de 5 ans. Ceux-ci sont sur le plateau et vont voir se déployer sous leurs yeux tout un univers, qui est celui des sens.
Propos recueillis par Sébastien Broquet
Infos
La Mouche
8 rue des Écoles, Saint-Genis-Laval.